Je me souviens de mes onze ans ...
L'entrée en sixième dans une toute nouvelle ville, après avoir vécu plusieurs traumatismes lourds qui ont changé l'enfant que j'étais et certainement toute mon existence ...
J'étais la petite fille qui ne parlait pas, qui ne souriait pas. Présente. Mais c'est tout.
Petite oui, on m'appelera "Naine"et c'est tout. Ce fut mon identité. Car, oui, je n'avais plus d'identité. Comme je vous l'ai dit plus tôt, j'ai vécu des traumatismes, on m'a derobé mon enfance, ma parole, mes pensées, ma conscience utopiste d'enfant, mes espoirs, mon sourire, ma joie ...
J'étais seule.
Je n'avais pas d'amis.
Pourtant, tout le monde autour de moi riait. Oui, mais ils riaient de moi.
Vous savez ce qu'est la SEGPA ? C'est une classe qui est destinée aux enfants ayant trop de difficultés pour se trouver dans une classe de collège standard (oui "standard", pas "normal", je n'aime pas ce terme). Au collège, les élèves de Segpa sont considérés comme des "débiles", "les bizarres", "les attardés", "les handicapés mentaux". Ce qui est faux, bien entendu. Je ne compte plus les fois où on m'a demandé "hé, t'es pas en segpa ?". Non, je n'y étais pas. J'étais seulement la fille qui ne parlait pas.
Tout ça peut paraître "bien gentil". Mais ce ne fut que le commencement.
Et ça commence toujours de cette façon là ... avant que le harcèlement devienne de plus en plus cruel et invivable. (En passant, à vous, parents, qui lisez ceci, soyez attentifs à ce que vos enfants vivent quand ils sont à l'école, au collège ou même au lycée. Souvent, on en parle pas. On a honte et on se sent coupable. Alors on sombre. Mais ceci peut être évité si on se sent aidé, épaulé et protégé.)
Des coups, qu'ils soient dans les mots ou dans les gestes. Il n'y a que peu de différence.
On ne peut pas se contruire, s'aimer et apprendre à avoir confiance en soi, quand tous les jours, pendant quatre ans, on est sans cesse humilié, dénigré, l'objet de toutes les moqueries, le défouloir de tous les élèves en recherche d'identité et de valorisation (par l'écrasement d'autrui ...).
Je ne suis pas allée jusqu'au suicide. Mais je suppose que vous avez entendu parlé de certains cas relatés dans la presse.
Ceci est à prendre au sérieux. Pour tous les enfants qui vivent ce calvaire chaque jour, cela doit changer.